A la recherche du temps perdu : le rapport de la commission “Les enfants et les écrans”

31 mai 2024

Un rapport sur l’exposition des enfants aux écrans

En janvier 2024, le Président de la République a mis en place une Commission d’experts pour évaluer l’impact des écrans sur les enfants et formuler des recommandations. En trois mois, cette Commission a consulté environ 150 jeunes et plus de 100 experts pour examiner divers aspects de la relation des jeunes avec les écrans. En effet, l’exposition des enfants aux écrans pose question et cristallise de nombreuses peurs parentales et sociétales.

Les enfants et adolescents sont souvent laissés seuls face aux écrans et à l’utilisation des plateformes. Les adultes pouvant être trop souvent happés eux-mêmes par les leurs, par d’autres activités ou n’ayant pas l’outillage nécessaire, il arrive que d’une part ils n’apportent plus assez l’attention nécessaire au bon développement cognitif et socio-affectif des enfants et que d’autre part les enfants soient laissés seuls face aux stratégies mercantiles des plateformes.

Et c’est là toute l’ambiguïté du rapport au monde numérique pour la jeunesse : c’est à la fois un lieu de connaissance et de sociabilisation mais qui lui est rendu irrésistible par des stratégies dérégulées de captation de l’attention (stratégies de défilement automatique par exemple) et des données personnelles.

Pour en savoir plus sur un usage raisonné des écrans, lisez l’article Les défis de la présence des écrans : pour une analyse et un usage raisonnés.

“À la recherche du temps perdu”

La référence proustienne renvoie non seulement au temps que l’on perd dans les méandres des réseaux sociaux qui ont tendance à nous happer, mais aussi le temps perdu au niveau sociétal dans la prise en compte des problématiques liés à la fréquentation des écrans par la jeunesse et surtout au retard pris par l’action publique nationale et internationale dans la réglementation en vue de réguler les velléités commerciales des plateformes.

Les constats de la Commission :

  1. Exposition généralisée aux écrans : Les enfants évoluent dans un environnement saturé par les écrans, présents à domicile, à l’école et dans les espaces publics.
  2. Conséquences sur la santé : des effets néfastes des écrans sont relevés sur la santé des enfants, notamment en termes de sommeil, de sédentarité, d’obésité et de problèmes de vue. Les effets des ondes électromagnétiques et des perturbateurs endocriniens présents dans les terminaux numériques restent incertains.
  3. Impact sur le développement : La réduction des interactions avec les adultes et les professionnels en raison de l’usage des écrans peuvent affecter le développement des enfants.
  4. Addiction et santé mentale : Bien que l’addiction aux écrans ne soit pas reconnue scientifiquement, les réseaux sociaux représenteraient un risque accru pour les jeunes vulnérables, contribuant à des problèmes de dépression et d’anxiété.
  5. Régulation des contenus : L’accès non contrôlé des enfants aux écrans pose des risques élevés, notamment à cause de la pornographie et de la violence. Les algorithmes créent des bulles informationnelles et des stéréotypes problématiques et provoquent une adhésion plus grande et une captation de l’attention.
  6. Actions publiques : Malgré des initiatives, la complexité du sujet engendre un sentiment d’impuissance. Le Digital Services Act offre une opportunité d’action, mais une stratégie collective de grande échelle (niveaux national et international) est absolument nécessaire.

Recommandations de la Commission :

  1. S’attaquer aux conceptions addictogènes des plateformes : Interdire les conceptions addictives et trompeuses des services numériques, améliorer l’accessibilité et la clarté des paramétrages.
  2. Sortir du seul contrôle parental : Dépasser la seule responsabilisation parentale pour mettre en avant des solutions technologiques qui permettraient de passer à l’échelle la protection des mineurs contre les contenus illégaux, et ce quelle que soit la porte d’entrée dans le numérique (portable, box, Wi-Fi, à domicile, dans les établissements scolaires…) et en améliorant l’interopérabilité des services numériques.
  3. Progressivité dans l’accès aux écrans selon l’âge : Établir une progression raisonnée de l’accès aux écrans en fonction de l’âge, avec des repères comme l’interdiction des téléphones portables avant 11 ans et des restrictions sur l’accès aux réseaux sociaux jusqu’à 15 ans.
  4. Urgence à former et accompagner les enfants et les adolescents au numérique : Former et accompagner les enfants et adolescents au numérique à l’école et en dehors, et promouvoir des alternatives aux écrans. Mettre en visibilité des adultes référents capables de répondre aux interrogations des enfants et des adolescents doivent être accessibles facilement aussi en dehors de la classe.
  5. Former et outiller les adultes : Aider les parents et former les professionnels pour donner l’exemple et organiser des temps “déconnectés”.
  6. Stratégie globale : Mettre en place une gouvernance renforcée incluant enfants et adolescents, créer un observatoire des usages numériques, et financer les actions publiques via des contributions des acteurs du numérique.

 


Sources

Enfants et écrans, à la recherche du temps perdu, rapport de la Commission Enfants et écrans, avril 2024.

IH2EF, Impact de l’exposition des jeunes aux écrans.

e-enfance, Internet : les dangers